Les premières 48 heures très paillettes du futur président.
Sarkozy, ça flambe pour lui
Par Bruno ICHER, Gérard LEFORT
On nous avait annoncé un séminaire de réflexion en monastère austère et nous voilà dans La croisière s'amuse au large de Malte. Ce qui tendrait à prouver que les promesses présidentielles commencent mal. Mais bon. Le futur président cherche son style et, à ce titre, a le droit à l'erreur, voire à la faute de goût. François Mitterrand en sa roche de Solutré nous avait familiarisés avec l'Alpenstock et le chapeau de pluie façon Séraphin Lampion. Jacques Chirac en son fort de Brégançon avait agréablement stupéfié la presse internationale grâce à un geste innovant : bermuda à fleurs et socquettes noires sous nouilles. Mais là ! Entre palace aux Champs-Elysées, jean délavé-repassé, jet privé et yacht format pétrolier, où Sarkozy va-t-il chercher tout ça ? La dernière fois qu'on avait repéré cette conception très personnelle de l'élégance à prix fort, elle concernait des nouveaux riches de Bakou s'éclatant à Marbella. Cette envie de se lâcher, voire de flamber, n'est-elle qu'un feu de paille, où le premier épisode d'un nouveau Miami Vice ?
Le soir du triomphe, c'était frappant. «Il» n'a pas lâché son mobile ! Hommage à Jack Bauer, héros de la série 24 Heures chrono, façon «si y'a besoin de désamorcer la bombe atomique, pas de problème, vous pouvez me joindre» ? Un abonnement «coup de coeur» offert par Martin «Télécom» Bouygues ? Un accès permanent à la messagerie du site Pupuce.com ? On a aussi noté qu'à l'intérieur de la Vel Satis, bourrée de belles-filles, il n'y avait que l'autoradio qui ne téléphonait pas. Mais à qui parlaient ces gens ? Et quelle saveur pouvait prendre à cet instant historique le fameux «mais t'es où, là ?» ? Rien n'a filtré hélas de ces conversations, hormis les félicitations de l'ami américain George Bush. Et quelle sonnerie le futur président a-t-il pu télécharger ? La Lambada ? C'est ici que je suis né, de Faudel, comme l'a fait Rachida Dati ? Ta meuf c'est une caillera, du groupe Faf Larage ?
Night clubbing
De nuit, n'écoutant pas les
sirènes de Rika Zaraï, c'est avec chemise et pantalon que dimanche soir le
lauréat a fait sa tournée. Costume sombre de rigueur et tomber de cravate dès
l'arrivée au Fouquet's-Barrière, où en privé il régala son petit monde d'un bon
vieux sirtaki (Nana Mouskouri, please , dis quelque chose !) Autour de
lui, les fistons aînés en pleine gesticulation de joie, laissaient apparaître la
griffe de leur veste : D..., j'adore. Mme C., enfin exfiltrée, tentait le
combiné pull drapé-pantalon blanc, et ses filles exultaient en ados réglos
(ventre nu, undersize, etc.). Mais, au fait, pourquoi le Fouquet's et
son palace attenant ? Parce que les proprios (Groupe Lucien Barrière) sont des
amis de la famille Sarko. Une nuit «Paris, c'est l'amour» dans la suite de luxe
pour deux, c'est 2 590 euros. Mais pour ce prix, on a le droit à une foultitude
de produits d'accueil : champ', caviar, cession make up pour madame,
gommage facial pour monsieur. Par contre, il est à craindre que le couple fût
chiffon lorsqu'il découvrit dans le forfait : «A romantic Paris by night in
a Citroën C6, Président Chirac's vehicle».
Surboum à la Concorde
L'effet Star Ac ?
Plutôt la Caméra explore le temps, avec la réanimation sous perf des variétés
Antenne 2 années 70, époque Maritie et Gilbert Carpentier. Les chanteurs de la
rupture étaient venus, étaient tous là, dès qu'ils ont entendu ce cri : «Il a
gagné Sarkôôôsi !» En tête de la playlist, Mireille d'Avignon qui avait à peine
terminé sa Marseillaise (peuchère mais pas donnée) qu'elle enchaîna avec Mille
Colombes pour les cent mille ans qui viennent (ô misère !). On regretta d'autant
qu'Enrico n'entonne pas les Millionnaires du dimanche de circonstance, que
Gilbert Montagné ne nous enjoigne pas quelque chose comme «Ça va fluncher !» ou
qu'une ex-star du Loft ne nous susurre pas quelques mots sur l'air d'une pub
pour un célèbre pot d'échappement «Va donc, va donc chez Steevie !», ou que
Bigard ne nous ait pas montré sa quique (comme d'hab). Par ailleurs, on se perd
toujours en conjectures sur le silence assourdissant de Nana Mouskouri.
Relax
Au petit matin du grand soir (en
français : lundi), le vainqueur est apparu à la porte du Fouquet's (encore !) en
jean et blazer. Une certaine idée de la France relax ? Sachant que le jean
devait être soigneusement délavé et repassé depuis septembre 2006, des
silhouetteurs-conseils auraient pu envoyer un SMS au candidat, même anonyme,
pour lui rappeler, sauf son respect, que depuis la disparition du regretté
Gainsbourg, cette panoplie ne va à personne d'autre.
Jet société
Falcon n'est pas seulement le
patronyme d'un célèbre studio de films pornos gay californiens, c'est aussi le
nom d'un avion construit dans les usines de l'ami Dassault. Ça se loue pour
faire un saut à Malte. Encore faut-il en avoir les moyens : tous les sites
Internet de location sont formels : l'escapade coûte au prix plancher 93 700
euros (ti-punch d'accueil compris ?) et peut atteindre 117 800 euros (avec deux
pilotes et une hôtesse). Sarkozy et sa suite ont choisi le modèle Falcon 900EX,
qui présente l'avantage d'être tout cuir (crème) avec fauteuils pivotants à 360°
(«Chiche qu'on fait la toupie en passant au-dessus de Marseille !») et ronce de
noyer en veux-tu en voilà. L'engin file à 900 km/h et possède une autonomie de 7
000 kilomètres. Alors pourquoi diable stopper à Malte, surnommée par ses
touristes, majoritairement allemands, «la petite Bavière», alors que Ouagadougou
était à portée d'aile ? Il est vrai que, dans la capitale du Burkina, la
boutique Dior n'a pas encore ouvert, ce qui pourrait contrarier Mme C.
«Paloma» pour sa colombe
Un peu plus cher
que l'avion, mais il est vrai qu'il flotte, le yacht Paloma (et à ce
propos, «koukouroukoukou», toujours ce silence assourdissant de Nana Mouskouri
alors que la Grèce est à un jet de moussaka !). Si la vérité des prix vous
aveugle, prière de chausser des lunettes de soleil pour lire ce qui suit : une
semaine à bord du Paloma coûte 193 431 euros. La silhouette du yacht de
60 mètres rappelle celle du Santa Esmeralda, le navire privé de
Rastapopoulos dans Coke [?] en stock, d'Hergé. Les accessoires
? La routine : le jacuzzi sur le pont avé les bulles, le set karaoké
pour reprendre les tubes de Barbelivien, et la réserve de jet-skis pour faire du
boucan en haute mer. Pour l'instant, sur Sud Sicile, la météo est clémente. Mais
en cas d'avis de coup de vent, les invités, qui ne vont pas manquer de faire la
chenille qui redémarre sur le pont pur wengé du Paloma , ont intérêt à
ne pas quitter des yeux les «gerbes-bags». En cas de trop plein, les vases à
composition florale feront l'affaire. Comment s'habiller ? A l'heure où nous
imprimons, la question doit torturer François Fillon, surtout s'il vient de
réaliser qu'il est en rupture de mocassins Docksides et de chandail breton. En
revanche, la casquette d'amiral est toujours en promo à prix bisous à la
boutique Crazy Cruising de La Valette (capitale de Malte).