Economie / riches / Sarkozy
[extrait] Liberation.fr
"Les
réformes qu'entend mettre en oeuvre le gouvernement Fillon privilégient
les gros revenus et pourraient coûter près de 4 milliards à l'Etat."
"Ces mesures risquent de coûter près de 4 milliards d'euros à l'Etat. «Le
bouclier à 50 %, plus la modification de l'ISF et les successions,
auquel il faut ajouter la défiscalisation des heures supplémentaires et
la déduction des intérêts d'emprunt, vont coûter pas loin de 13
milliards d'euros», selon Drezet. Ce qui revient à tirer un trait sur
le produit annuel de la taxe d'habitation... Que la gauche et les
syndicats s'offusquent n'est pas surprenant. Ce qui l'est plus, c'est
que même à droite on traîne des pieds. Les orthodoxes budgétaires
sortent les calculettes et arrivent peu ou prou aux mêmes chiffres que
la gauche. «C'est une révolution fiscale qui peut coûter très cher,
note un député UMP. Surtout si tout ça n'a pas les effets espérés sur
la croissance.» Derrière, difficile de tenir les engagements européens,
de désendetter l'Etat, de baisser le taux de prélèvements obligatoires.
Bref, de mettre en oeuvre l'autre volet économique du programme de
Sarkozy."
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[extrait] Liberation.fr
Pierre-Cyrille
Hautcoeur, directeur d'études à l'EHESS, détaille les possibles effets
économiques des mesures fiscales du gouvernement.
"Les mesures fiscales présentées par le gouvernement Fillon auront-elles des effets positifs sur l'économie ?
Avoir
des riches plus riches n'a pas beaucoup d'intérêt sur le plan
macroéconomique. Leur propension à consommer est bien moindre que
celles des classes défavorisées : un riche réinjectera moins d'argent
dans l'économie que plusieurs personnes défavorisées à qui on aura
reversé la même somme. En matière d'investissements, il ne faut pas non
plus en attendre des miracles. Dans une économie ouverte comme celle de
la France, l'investissement se finance aussi bien par des capitaux
étrangers que français. Enfin, abaisser le bouclier fiscal à 50 %
risque de privilégier d'abord ceux qui possèdent un gros patrimoine,
comme les riches retraités. Et peu les jeunes entrepreneurs. C'est vrai
aussi pour la réduction des droits de succession, dont les
bénéficiaires et les héritiers ont en moyenne 52 ans.
Mais faire revenir des riches expatriés en France peut avoir un intérêt économique ?
Peu.
Cela peut éventuellement avoir un intérêt pour le fisc français, en
espérant que les nouvelles rentrées fiscales compensent la baisse
générale. Mais c'est très improbable. Il est très difficile de dire
combien de riches seront assez sensibles à ces baisses d'impôt pour
revenir. Quoi qu'il en soit, le bénéfice pour l'économie sera assez
marginal. Sauf à ce que les expatriés soient irremplaçables pour le
développement de nouvelles entreprises.
Ne faut-il pas
favoriser, par des mesures fiscales, la transmission d'entreprises
familiales pour éviter qu'elles soient, par exemple, rachetées par des
fonds d'investissement ?
D'abord, il faudrait être certain que les
effets de ces fonds sur la gestion des entreprises sont si néfastes que
ça. Aujourd'hui, on n'est pas encore au clair sur cette question :
plusieurs études ont produit des conclusions très différentes. Ensuite,
je ne suis pas sûr qu'il faille, fiscalement, encourager le capitalisme
familial. Il n'y a en effet aucune raison pour que le fils d'un
entrepreneur génial se révèle nécessairement un bon gestionnaire.
L'histoire économique regorge d'exemples d'entreprises familiales qui
se sont cassé la figure quand la transmission se restreint à la
famille. Il faudrait au contraire réussir à dissocier l'entreprise de
la famille en réfléchissant à des formules juridiques d'adoption de
cadres dirigeants compétents.
Et favoriser l'accès à la propriété en rendant les intérêts d'emprunt déductibles de ses revenus...
Là,
on peut être réservé sur le timing. Cette mesure risque de doper la
demande, mais, comme l'offre d'appartements est limitée, cela va donc
encourager la hausse des prix et une spéculation. Quant à la
justification de fond, ce n'est pas en encourageant l'investissement
dans la pierre que l'on va doper l'innovation et le développement
économique.
Au final, selon vous, ces mesures ont peu de chances de stimuler la croissance française ?
On
ne voit pas très bien en quoi tout cela va permettre de faire émerger
de nouveaux entrepreneurs qui ont le goût du risque. A la rigueur, la
seule mesure qui ne m'apparaît pas déraisonnable est celle qui
encourage des contribuables qui paient l'ISF à investir dans les PME."