Fonctionnaires: marre de «travailler plus pour gagner moins»
Suppression de postes, manque de moyens et de reconnaissance... L'ensemble de la fonction publique a emboîté le pas aux enseignants. A Paris, ils étaient 18.000 selon la police, trois fois plus pour les syndicats.
«Non au démantèlement du service public.» C'était le mot d'ordre aujourd'hui dans les rangs de la manifestation parisienne qui a rassemblé au départ de la place d'Italie 50.000 à 60.000 fonctionnaires selon les syndicats, 18.000 selon la police. Ailleurs en France, ils étaient 4000 à 6000 à Lille, 4000 à 10.000 à Toulouse, entre 5000 et 10.000 à Lyon, 5000 à Orléans, de 5000 à 8.000 à Rennes...
A Paris, enseignants et
lycéens formaient le gros des troupes, rejoints par des agents de la
fonction publique territoriale, de la santé, de la culture, de la
Poste...
Au fil du cortège, plutôt calme, slogans et pancartes affichent
l'éventail des motifs de contestation: «Elèves et profs trahis»,
«Séisme dans la culture», «travailler plus pour gagner moins», «Les
Lettres aux oubliettes», ou même «Non aux OGM».
«Les choses peuvent encore changer à la rentrée»
Première raison de la colère: les 11.200 suppressions de postes dans
l'Education à la rentrée. Moins de profs, cela veut dire, dénoncent les
enseignants, des classes surchargées à la rentrée, des options qui
passent à la trappe, la disparition des demi-groupes en cours de
langue... François Barny, qui enseigne les maths à Savigny-sur-Orge
(91), est catégorique: quoi qu'en dise le ministre Xavier Darcos, il y
a «une réelle différence» entre une classe à 35, comme il en a aujourd'hui, et une classe à 32 comme c'était le cas il y a quelques années. «A 35, on ne peut pas faire de suivi individuel. Si certains ne suivent pas, tant pis.»
Son lycée devrait perdre cinq postes à la rentrée, mais les enseignants ne désespèrent pas. «On a déjà récupéré trois postes en se mobilisant. Les choses peuvent encore changer à la rentrée, veut croire Claire Bonhomme, la prof d'histoire-géo. Quand
les parents découvriront que leurs enfants n'auront plus de prof
pendant trois mois faute de remplaçant ou pas accès à certaines
options, la grogne risque de monter.»
Pour les enseignants du primaire, le mécontentement porte surtout sur
les nouveaux programmes, jugés rétrogrades par nombre d'entre eux. «On privilégie le par cœur au détriment de la réflexion et de la compréhension des enfants», regrette Camille, professeurs des écoles dans le XVIIIe arrondissement, en CE1 et CE2 «avec 32 élèves par classe».
Face à la fermeté du ministre de l'Education, elle avoue ne pas espérer
grand chose de cette manifestation mais persiste à venir «pour le symbole».
Aux côtés de leurs profs, les lycéens sont fidèles au poste après deux
mois de mobilisation. Certains accusent tout de même un léger
découragement. «A cause des absences, on a décidé de ne plus venir qu'aux grosses manifs», explique Laura, en 1ère ES à Arpajon (91). «En
plus, les terminales et les BTS ne peuvent plus venir à cause des
épreuves. Ce qu'il faudrait pour faire bouger le gouvernement, c'est
une énorme manif, que tout le monde s'y mette», ajoute-t-elle sans trop y croire.
Sous-effectif
Suivent dans le cortège des groupes de fonctionnaires en ordre
dispersé, qui plaident d'une manière générale pour la défense de leur
statut et de leur mission de service public. Comme ses chargés d'étude
à l'Insee, inquiets du risque de privatisation d'une partie de leur
activité, «ce qui mettrait en danger la neutralité que doit avoir notre institution». Ils dénoncent aussi l'augmentation de la facturation des études de l'Insee -«seules les régions les plus riches pourront payer des statistiques»- et la baisse des effectifs alors que la charge de travail est croissante.
Ou ces bibliothécaires de la Bibliothèque nationale de France qui dénoncent eux aussi la baisse de leurs effectifs: «La
charge de travail allant croissante, on accumule les retards, ce qui
pénalise les usagers et génère des situations de tension.»
Prochaines grosses manifestations vue: le 18 mai pour les enseignants
et le 22 mai, journée d'action interprofessionnelle pour les retraites.