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31 juillet 2008

Les anti-Croizat

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Avec une incroyable légèreté, Roselyne Bachelot rétorquait, hier matin, au micro de France Inter, à un interlocuteur s’inquiétant des risques de répercussions de la taxe réclamée aux organismes de complémentaire santé sur les cotisations des assurés sociaux : « Si les tarifs augmentent, changez d’assureur. » La candeur de la ministre de la Santé n’était qu’apparente : la loi de la concurrence s’immisce dans le débat sur le financement de la Sécurité sociale. Et appelons un chat un chat, qui dit concurrence pense déjà privatisation. C’est un mouvement subreptice, non avoué, mais il suffit d’assembler les pièces du puzzle, de prendre un peu de recul pour distinguer ce qui se dessine. Les pièces du puzzle, ce sont les franchises médicales, « franchise » encore un mot emprunté au vocabulaire des assureurs, qui ne sont rien d’autre qu’une taxe sur le fait d’être malade. Ce sont aussi les vagues successives de déremboursements de médicaments. Énorme imposture, au demeurant, car si l’efficacité de certains médicaments est contestée au point qu’on arrête de les rembourser, on comprend pourquoi ceux-ci restent sur les étals des pharmacies au tarif plein. Ajoutons au tableau noir les dépassements d’honoraires, le forfait hospitalier… Petit à petit, entaille après entaille, le tronc de la protection sociale qui garantit le droit à la santé s’étiole, laissant de plus en plus d’espace à la marchandisation.

Sans doute les conseillers en communication du gouvernement pensent avoir réussi un bon coup. Dans un premier temps, on annonce de manière tonitruante que l’on s’apprête à supprimer la prise en charge d’une partie des prestations remboursées à 100 % pour les affections de longue durée (ALD), les pathologies lourdes (cancer, diabète, sida…). L’indignation est à son comble, l’iniquité révulse… Ballon d’essai ? Tactique d’affolement ? Le projet est retiré. Et finalement, Roselyne Bachelot tente aujourd’hui de faire croire que l’assuré social n’est pas frappé par le nouveau train de rigueur sur l’assurance maladie. On voit mal comment les mutuelles pourront supporter la charge. Le saucissonnage de l’assurance maladie, que dénoncent les associations de malades, vise à augmenter progressivement la participation du privé.

Faites de la politique, dit souvent Nicolas Sarkozy à ses ministres. L’objectif n’est-il pas de faire avancer l’idée que la France d’aujourd’hui n’a pas les moyens d’assurer socialement un haut niveau de protection ? Une bataille idéologique contre le modèle social issu de 1945 est en cours. D’une certaine manière, l’équipe Sarkozy, Fillon, Bachelot, Woerth, c’est l’anti-Croizat. Le ministre communiste, père de la Sécurité sociale, a réussi à réaliser ce qui apparaissait une utopie inaccessible - le droit aux soins et à une retraite pour tous - à une époque où la France ne s’était pas encore relevée des ruines de la Seconde Guerre mondiale. Ces droits aujourd’hui, dans une France infiniment plus riche, l’UMP les conteste en invoquant le manque de moyens financiers. Or ce que montre précisément l’oeuvre de Croizat, à la Libération, c’est que les investissements sociaux dans la santé, comme dans les autres secteurs de l’épanouissement humains, ne sont pas des charges mais des atouts pour le développement de la société. Encore faut-il se donner les moyens, ou plutôt mobiliser ceux qui existent. Et ils ne manquent pas : la fin des exonérations sociales des entreprises (32,4 milliards en 2008), la mise à contribution des placements financiers qui rapporterait 20 milliards par an à la Sécu. Les exonérations des stock-options avaient fait perdre trois milliards d’euros à la Sécurité sociale sur l’exercice 2005, avait chiffré, l’an dernier, Philippe Séguin, président de la Cour des comptes. Telle est la réalité des chiffres que l’on vous cache derrière les tours de passe-passe et les grosses manoeuvres du gouvernement.


Jean-Paul Piérot

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