Préparer les luttes
« Expliquer qu’il n’y a pas de problème de pouvoir d’achat en France,
c’est se moquer du monde. » Sensible aux sondages qui indiquent que 28
% des Français seulement font confiance au gouvernement pour augmenter
le pouvoir d’achat, Sarkozy a tenté de jouer les illusionnistes, lors
de son discours de rentrée politique, qu’il avait choisi de prononcer
devant les patrons, à l’université d’été du Medef, le 30 août dernier. C’était la première fois qu’un président de la
République y intervenait et les patrons l’ont applaudi comme leur
homme. Leur dirigeante, Laurence Parisot, a même trouvé son
gouvernement « génial ». Sarkozy a annoncé une « deuxième phase des
réformes », qui comprend, outre une suppression de postes de
fonctionnaires plus massive pour 2008 que les 23 000 de cette année, un
projet d’augmentation de la TVA pour alléger les charges du patronat,
la disparition du contrat à durée indéterminée, la fusion ANPE-Unedic
qui permettra entre autres de renforcer le contrôle sur les chômeurs et
de les sanctionner plus durement, la franchise médicale... Une
offensive en règle contre les classes populaires, qui n’a d’autre
objectif que de maintenir et accroître les profits des gros
actionnaires. Qu’à cela ne tienne, Sarkozy a prétendu, sans rire,
qu’il travaillait pour le bien de tous, salariés, paysans, chefs
d’entreprise, s’adressant plus particulièrement, parmi ces derniers,
aux petits patrons. Avec, à l’appui de sa démonstration, des
contre-vérités grossières, telles que « le travail de tous fait la
richesse de chacun », une version populaire, en somme, des poncifs
éculés selon lesquels la compétitivité des entreprises, la bonne santé
de leurs bénéfices seraient les emplois et les bons salaires de demain.
Il est vrai que cette fable est devenue la pensée unique aussi bien
dans les partis de droite qu’au Parti socialiste, dont Sarkozy s’est
complu à souligner la déconfiture en présentant la commission présidée
par Attali, l’un de ses derniers transfuges. « Peut-être que je suis
celui qui sait le mieux exploiter les richesses du Parti socialiste »,
a-t-il raillé. En matière de pouvoir d’achat, Sarkozy s’en remet aux
patrons auxquels, reprenant le slogan-titre de l’université du Medef,
il demande de « jouer le jeu » : « Vous devez respecter l’obligation de
négocier sur les salaires. Vous devez faire un effort sur les salaires
chaque fois que c’est possible. » Il demande du donnant donnant au
patronat, un semblant de négociation sur les salaires contre les
mesures anti-ouvrières qu’il entend obtenir par le dialogue social,
grâce à la complicité des directions syndicales. Sarkozy espère éviter
l’affrontement avec les travailleurs, tablant sur les effets
démoralisateurs des capitulations, des ralliements à son pouvoir, dupe
du même coup de son habileté qu’il ne doit qu’à l’absence d’opposition
organisée à sa politique. Le patronat, lui, attend la mise en œuvre de cette
« deuxième phase » de son offensive avec impatience, et ce d’autant
plus que la crise qui a ébranlé le système financier mondial exacerbe
la concurrence internationale. Parisot l’a fait savoir, à sa manière,
en indiquant qu’il fallait reculer l’âge de départ à la retraite à 61
ans en 2012 et 62 ans en 2020. Dimanche 2 septembre, la ministre de
l’Économie, Christine Lagarde, a répondu sur le même ton. « Bien sûr,
a-t-elle déclaré, que nous préparons un plan de rigueur, mais ce plan
de rigueur, il est destiné à la fonction publique pour l’essentiel. »
Il s’agissait de confirmer le non-remplacement d’un départ à la
retraite sur deux dans la fonction publique en 2008, une mesure promise
pour 2007, mais cette ancienne femme d’affaires n’a pas employé le mot
« rigueur » par hasard. La cote de popularité de Sarkozy peut faire illusion
sur ceux-là mêmes qui nous ont ressassé sa « légitimité », dont ses
adversaires du Parti socialiste, le mécontentement n’en est pas moins
profond, à la mesure des difficultés et des souffrances du chômage, des
bas salaires, de l’absence d’avenir. Il ne demande qu’à s’exprimer,
qu’à s’organiser, qu’à devenir une force. Nombre de salariés, de
jeunes, de militants syndicalistes, qui ont participé ces dernières
années aux mobilisations et aux luttes, n’ont pas abdiqué de leur
combat, de leur contestation du système, de leurs aspirations à une
autre société. Ils cherchent aujourd’hui les moyens de résister et,
pour beaucoup, de préparer une riposte d’ensemble du monde du travail
qu’ils savent être, par expérience, après les luttes de 2003 contre la
réforme des retraites et de 2006 contre le CPE, le seul moyen de
stopper l’offensive du patronat et du gouvernement. ... Pour l’urgence sociale et démocratique, pour
préparer une contre-offensive du monde du travail. Galia Trépère